Lorsqu’on évoque le quartier Saint-Jacques à Perpignan, les réactions sont souvent contrastées. Certains le décrivent comme un repaire de délinquance et d’insécurité, d’autres mettent en avant sa richesse culturelle et son identité forte. Alors, que faut-il vraiment penser de ce quartier emblématique du centre-ville perpignanais ? Est-il dangereux de s’y promener, d’y habiter ou d’y investir ? Dans cet article, je vous propose un regard nuancé, fondé sur des faits, des témoignages et une immersion dans la réalité de ce quartier en pleine mutation.
| 🏘️ Quartier | ⚠️ Problèmes | 👮 Sécurité | 🔧 Avenir |
|---|---|---|---|
| Saint-Jacques, Perpignan | Pauvreté élevée, habitat insalubre, délinquance localisée | Situation en amélioration, forte présence policière | Rénovation en cours (2023–2026), potentiel à surveiller |
Un passé chargé d’histoire et une identité forte
Avant d’aborder la question de la sécurité, il faut comprendre ce qu’est réellement le quartier Saint-Jacques. Situé sur la colline du Puig Sant Jaume, il s’agit d’un des plus anciens quartiers de Perpignan. Il est classé au secteur sauvegardé depuis 1995, ce qui témoigne de sa richesse patrimoniale.
On y trouve :
- Des bâtiments médiévaux du XIIIe siècle construits en galets, briques et chaux
- Des vestiges de l’ancienne université de Perpignan
- L’église Saint-Jacques et plusieurs anciens couvents
Ce quartier est également le foyer de l’une des plus importantes communautés gitanes sédentaires d’Europe, arrivée progressivement à partir du XIXe siècle. Cette spécificité culturelle contribue à donner à Saint-Jacques une atmosphère unique, parfois mal comprise ou sujette à préjugés.
Une réalité sociale préoccupante
Mais derrière la richesse historique du quartier, la réalité sociale est bien plus difficile. Les chiffres sont sans appel :
- 60% des foyers vivent sous le seuil de pauvreté
- 70% de chômage chez les adultes et jusqu’à 90% chez les jeunes de 16 à 25 ans
- Un revenu annuel moyen par foyer inférieur à 2 500 € (hors aides sociales)
Ce contexte de grande précarité génère des tensions et renforce le risque de délinquance et de marginalisation. Le tissu économique est pratiquement inexistant, les commerces sont rares, et les équipes de services publics peinent à répondre aux besoins.
Un habitat insalubre et vétuste
Autre problème de taille : l’état du bâti. On parle ici de plus de 800 immeubles, dont 70% sont considérés comme insalubres. Dans de nombreux cas, il s’agit de logements indignes ou dangereux pour leurs occupants.
| Type de problème | Fréquence |
|---|---|
| Moisissures & infiltrations | Très courant |
| Installations électriques défectueuses | Fréquent |
| Risques d’effondrement | Elevé (plus de 200 arrêtés en 10 ans) |
Le drame de 2006, où un immeuble s’est effondré, causant la mort d’une personne, reste un souvenir marquant pour les habitants. Cette insécurité structurelle aggrave le sentiment d’abandon exprimé par nombre de résidents.
Une réputation sulfureuse… mais pas totalement usurpée
@konbini On a passé 24h au quartier Saint Jacques à Perpignan avec @nas_das ! #nasdas #perpignan #snapchat #reportage
♬ son original – Konbini – Konbini
Le quartier est souvent associé à des termes très négatifs : drogue, violence, saleté. Et malheureusement, une partie de cette image découle d’une réalité observable sur le terrain.
- Points de deal établis sur l’îlot Bétriu, la place Cassanyes et leurs alentours
- Présence régulière des forces de l’ordre avec des contrôles musclés
- Incidents violents fréquents (règlements de compte, coups de feu, vols…)
Cependant, il est important de noter que la dangerosité varie fortement selon les sous-secteurs du quartier et les horaires. La journée, beaucoup d’habitants assurent ne ressentir aucune insécurité, surtout les personnes qui y habitent depuis longtemps et connaissent le tissu social du quartier.
Un sentiment de sécurité à géométrie variable
Lorsqu’on interroge les habitants, les avis divergent nettement. Certains, comme le rappeur Némir ou l’influenceur Nasdas, originaires du quartier, ont une attache très forte à ce territoire et y voient plus de solidarité que de danger. D’autres, commerçants ou personnes âgées, évoquent au contraire une insécurité omniprésente, notamment le soir après 22h.
La présence policière est donc perçue de manière ambivalente : pour certains, elle est synonyme de protection, pour d’autres, elle accentue la stigmatisation du quartier.
La sécurité à Perpignan : zoom sur les données récentes

Il serait injuste de juger le quartier Saint-Jacques uniquement sur sa réputation passée. Les statistiques les plus récentes montrent en effet une amélioration globale de la sécurité à Perpignan :
- En 2023, baisse de 10% des faits de délinquance par rapport à 2022
- Diminution notable des agressions sur la voie publique
- Plus de 1800 opérations anti-stupéfiants menées en un an par la police
Certes, ces résultats restent à relativiser selon les micro-zones, mais ils montrent une tendance encourageante. L’agglomération a renforcé ses moyens : plus de caméras de vidéosurveillance, meilleure coordination entre police municipale et nationale, et intensification des rondes nocturnes.
Un quartier en pleine transformation
Depuis 2023, un ambitieux programme de rénovation urbaine a été lancé dans le quartier Saint-Jacques avec un budget de 75 millions d’euros. Cela inclut :
- La reconstruction de l’îlot Puig : 36 logements sociaux modernes
- Le projet de l’îlot Paradis : 6 maisons de ville adaptées au mode de vie local
- Un centre de médiation et de prévention pour les jeunes
- L’amélioration des équipements et voiries
Ce projet suscite l’espoir parmi une partie de la population… mais aussi des craintes. La destruction d’immeubles historiques, parfois sans relogement immédiat des habitants, fait polémique. En 2018, des riverains avaient bloqué une pelleteuse pour empêcher une démolition jugée arbitraire.
Une volonté politique de transformation… sous tension
L’adjoint au maire en charge de la rénovation insiste sur la démarche respectueuse adoptée : logements conçus pour les familles nombreuses, respect des modes de vie intergénérationnels, maintien de l’identité gitane du quartier… mais certains voient poindre le spectre de la gentrification et d’une fracture sociale accrue si les habitants historiques sont écartés du « nouveau Saint-Jacques ».
Peut-on habiter ou investir à Saint-Jacques en sécurité ?
C’est LA question que se posent beaucoup de futurs arrivants ou investisseurs. Ma réponse : oui, mais avec des précautions.
- Le quartier est en pleine métamorphose : cela signifie risques mais aussi opportunités
- Il convient de bien identifier les micro-secteurs : certains sont très calmes, d’autres plus tendus
- Les prix de l’immobilier y sont très bas, mais cela reflète aussi les défis à relever
Pour une famille avec enfants, je recommanderais d’attendre la fin des grands chantiers (2025-2026) pour évaluer l’impact réel des rénovations. Pour un investisseur aguerri, il peut s’agir d’un moment stratégique si l’on intègre bien les risques juridiques et sociaux.
Conseils pour visiter ou circuler dans le quartier
Si vous êtes simplement de passage, voici quelques conseils utiles pour visiter en toute tranquillité :
- Privilégiez les visites en journée, surtout lors des animations culturelles sur la place du Puig
- Restez sur les axes principaux, bien fréquentés et relativement sécurisés
- Évitez d’afficher des objets de valeur ou du matériel électronique volumineux
- Si vous êtes seul·e, limitez vos déplacements au-delà de 22h
- Utilisez une application de géolocalisation (Google Maps ou Waze) pour repérer les zones les plus actives
Un quartier entre stigmatisation et espoir
Le quartier Saint-Jacques est une terre de contrastes : pauvre mais solidaire, délabrée mais chargée d’histoire, dangereuse selon l’heure mais animée et vivante le jour. Il serait trop facile de le réduire à un simple « quartier dangereux ». Il serait tout aussi naïf de faire abstraction de ses problèmes concrets.
La clé est dans la compréhension et la nuance. Oui, Saint-Jacques souffre de difficultés sociales anciennes, de problèmes d’habitat, de délinquance localisée. Mais il peut aussi devenir un symbole de renaissance urbaine, à condition que les projets de rénovation tiennent leurs promesses, et que les habitants soient au cœur du changement, et non relégués au second plan.
En fin de compte, Saint-Jacques est un quartier à observer de près, pas à fuir systématiquement. Il incarne cette dynamique pleine de contradictions que connaissent tant de centres historiques en France : entre passé glorieux, présent incertain et futur à construire collectivement.


